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Présidentielle 2017 : le programme justice de François Fillon

Toute cette semaine vous vous proposons de décortiquer les programmes justice des candidats à l'élection présidentielle de 2017. Focus sur le programme de François Fillon, par Paul-Henry Devèze.

Le candidat « Les Républicains » a défini les grandes lignes de ce qu’il souhaite faire pour les cinq années à venir. Le programme de cet ancien Premier Ministre est circonscrit autour de 12 grands points concernant la justice pénale. Si certains d’entre eux sont une redite du passé, d’autres sont au contraire des innovations pouvant parfois laisser circonspect.

Au niveau structurel

  • Augmentation conséquente du budget de la justice d’ici à 2022

On ne peut que féliciter l’initiative de vouloir augmenter de façon significative le budget de la justice ! Rappelons qu’en janvier dernier sur Europe 1 le Bâtonnier de Paris Frédéric Sicard déclarait que le budget français alloué à la justice était similaire à celui de la Moldavie.

  • Redéfinition de la carte judiciaire (suppression de nombreux tribunaux de grande instance et plus qu’une seule Cour d’appel par région)

On peut se demander si la redéfinition de la carte judiciaire avec la suppression de tribunaux n’aura pas pour conséquence la suppression de nombreux postes.

En effet, l’Union Syndicale des Magistrats dénonçait en novembre 2010, suite à la réforme effectuée par Madame Rachida Dati, le fait que dans beaucoup de ressors de nombreux postes (magistrats comme fonctionnaires) n’avaient pas été reconduits, certains fonctionnaires issus de tribunaux absorbés n’ayant pas rejoint les tribunaux absorbants. Ainsi, malgré les économies effectuées, le fonctionnement de la justice pouvait à l’époque devenir complexe et ses rouages ne semblaient plus aussi bien huilés qu’auparavant.


Pour l’instant la proposition de François Fillon reste floue sur ces points, notamment la redéfinition des organigrammes des nouveaux tribunaux.

  • Création de 300 postes de magistrats supplémentaires, majoritairement issus de recrutements professionnels

Si des postes sont supprimés avec l'application du point précédent, sachant qu’on estime aujourd’hui autour du millier les postes vacants, cela ne fera qu’aggraver une situation préexistante et le recrutement de 300 magistrats supplémentaires semblerait autant paradoxal que peu suffisant.

Néanmoins le fait que ces 300 magistrats soient issus d'un recrutement extérieur de professionnels est une idée intéressante. En effet, un juge recruté après plusieurs années d'activités dans un domaine serait un gage, si ce n'est de sagesse, au moins d'expérience pratique et donc de compréhension face aux situations qui lui sont soumises.

  • Création de 16 000 places de prison supplémentaires

Si 16 000 places semblent nécessaires aux vues de la surpopulation carcérale française dénoncée régulièrement par divers organismes et institutions, on peut se demander si des alternatives à l’enfermement ne peuvent pas être trouvées, mais tout cela est bien entendu un autre débat...

  • Suppression des jurés en Cour d’assises en première instance

Enfin, la suppression des jurés de Cour d'assises en première instance peut paraître regrettable. En effet, la présence de profanes lors du jugement d'un crime est - à mon sens - un gage d'objectivité vis à vis du droit et de la procédure, ces derniers se concentrant sur les faits et rien que les faits. La justice est alors la lecture d'une infraction par le peuple, à la demande de l'Etat, encadrée par la magistrature du siège.

Néanmoins, il est vrai que supprimer les jurés en première instance permettrait à la justice de gagner en rapidité et en efficacité. Les délais d'audiencement sont aujourd'hui beaucoup trop longs. Certains font remarquer que la réduction de ces derniers est d'une importance moindre, puisque les criminels sont la plupart du temps condamnés à plusieurs années de prison et que la durée de détention provisoire effectuée avant jugement sera décomptée de la peine prononcée. Rappelons à ces gens de mauvaise foi que toutes les personnes renvoyées devant la cour d'assises ne sont pas déclarées coupables. Et lorsque l'une d'entre elles est finalement acquittée, chaque jour passé sans raison en détention provisoire est un drame dont devra rendre compte l'État. Quoi qu'il advienne, il faut trouver une solution pour accélérer la marche de la justice.

Au niveau répressif

  • Déjudiciarisation du contentieux de masse (infractions routières, vols et usage de produits stupéfiants)

La déjudiciarisation du contentieux de masse a pour but le désengorgement des tribunaux et de permettre ainsi à la justice d’acquérir de nouveau sa célérité d’antan. Cependant, il faut prêter attention à la manière dont seront traités les différentes infractions commises : si ces dernières sont automatiquement punies d’une contravention le risque engendré sera celui d’une « dépersonnalisation » des peines. Qu’en penserait Beccaria ?

  • Possibilité pour les victimes de bénéficier d’un droit d’appel des décisions de justice et de participer au processus d’aménagement des peines

La participation de la victime au procès pénal à travers un droit d’appel équivalent aux mis en cause puis à l’exécution des peines est une idée récurrente mais qui paraît démagogue. En effet, en France la victime est considérée comme un tiers au procès pénal et ne bénéficie pas du même droit d'appel que le parquet ou que la personne condamnée. Changer son statut réveille les débats entre justice inquisitoire et accusatoire... Nous dirigeons nous pour autant vers le système anglo-saxon ? Rien n’en est moins sûr.

  • Création de minima de peine pour certaines infractions en deçà duquel le juge ne pourra pas aller

La création d’un minima de peine pour certaines infractions fait écho à ce qui était prévu par l’ancien Code pénal français. Cependant, même si cela est gage de sévérité, serait-ce la consécration ici de peines planchers ? Applicables de surcroit à des primo-délinquants ?

  • Rétablissement des peines planchers

Le but de cette proposition est de réduire la récidive légale. Ces dispositions avaient été introduites dans la législation française en 2007 afin de contraindre les juges à prononcer une peine minimale à l’égard des personnes ayant déjà été condamnées pour des infractions, mais venaient altérer la possibilité offerte au juge de prononcer une sanction adéquate à la personne mise en cause devant lui, ce dernier n’avait plus la possibilité d’individualiser les peines ; rétablir ce qui a été abrogé sera alors à mon sens une erreur.

  • Réduction du seuil d’aménagement des peines à un an au lieu de deux comme c’est le cas aujourd’hui

Dans le cas d’une peine de prison ferme, la juridiction de condamnation ou le juge de l’application des peines (JAP) peut décider d’aménager cette peine. Cette modalité d’exécution d’une peine d’emprisonnement permet, à la personne condamnée de continuer à travailler, d’accéder à un traitement médical, de participer activement à sa vie de famille etc. Elle est présentée ici comme une preuve du laxisme de la justice.

Cet aménagement est aujourd’hui possible pour les peines inférieures à deux ans d’emprisonnement et la personne qui en bénéficie reste placée sous le contrôle du JAP. Les mesures d’aménagements doivent ainsi faciliter le retour à la vie libre et prévenir la récidive.


Passer la possibilité d’aménagement de deux ans à un an reviendrait ainsi à augmenter la population carcérale pour les peines comprises entre 12 et 24 mois et ne faciliterait pas la réinsertion des détenus condamnés.

  • Automaticité des révocations de sursis

Le sursis désigne une condamnation pénale que le condamné n'a pas à effectuer, sauf nouvelle condamnation pour une autre infraction dans un délai de cinq ans, l’auteur de l’infraction n’est alors pas souvent incarcéré, sauf si une partie de la peine prononcée contient de la prison ferme.


La loi du 15 août 2014 a réécrit les articles du Code pénal relatifs au sursis afin de supprimer le caractère automatique de la révocation et de prévoir que cette dernière doit être expressément décidée par la juridiction prononçant la nouvelle condamnation.


Cette automaticité était très peu lisible et compréhensible dans la mesure où elle pouvait intervenir sans que la personne condamnée ne le sache, et alors même que le tribunal n’en avait pas connaissance. Aujourd’hui, les juridictions apprécient en toute connaissance de cause, au regard des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation matérielle, familiale et sociale, si les sursis doivent ou non être révoqués. Dès lors automatiser la révocation des sursis apparaît comme pouvant porter atteinte à la sécurité juridique.

  • Suppression du caractère automatique des réductions de peine

Il y a ici une une volonté de réformer ce qu’avait fait Dominique Perben avec la loi du 9 mars 2004 pourtant ministre d’un gouvernement de droite. Là encore, la mesure est jugée trop laxiste. Le principe de réduction de peine repose sur l’idée qu’une « peine fixe », c’est-à-dire une peine que le détenu purgerait au jour le jour et dans son intégralité, ne prévient pas des risques de récidive.


Différents courants de pensée en criminologie qui s’étaient penchés sur cette question ont estimé, par des études statistiques, que le calcul coût/avantage censé être effectué par un délinquant ou un criminel n’influençait pas son passage à l’acte. Dès lors, la suppression du caractère automatique des réductions de peine est donc le fruit d’une volonté quasiment démagogique de rendre similaire les peines prononcées aux peines exécutées plutôt que de chercher à élaborer une politique pénale de lutte contre la récidive qui serait pour le coup bien plus efficace que cette mesure.

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