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Présidentielle 2017 : le programme justice de Philippe Poutou

Toute cette semaine, nous vous proposons de décortiquer les programmes justice des candidats à l'élection présidentielle 2017. Anne-Sophie Justeau passe au crible le programme de Philippe Poutou.

  • Suppression de la procédure de comparution immédiate

La procédure de comparution immédiate est prévue aux articles 393-3 à 397-7 du Code de procédure pénale. La comparution immédiate permet au procureur, pour des délits punis d'au moins 2 ans de prison (6 mois pour un flagrant délit), de décider, à l’issu de la garde à vue, de renvoyer le prévenu le jour même devant le tribunal compétent. Il convient de préciser que ce dernier pourra refuser d’être jugé immédiatement afin de préparer sa défense. Dans ce cas, le procès sera reporté.

Si cette procédure peut être critiquable sous bien de ses aspects, notamment concernant les droits de la défense, elle permet la garantie de la célérité de la justice, exigence résultant de la lettre de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

  • Renforcement de la présomption d’innocence et des droits de la défense

Le principe de la présomption d’innocence est garanti par de multiples textes. Il apparaît notamment dans la Déclaration de droits de l’homme de 1789 (article 9), la Convention européenne des droits de l’homme (article 6 § 2), et, depuis une loi de 2000, il est placé en tête du Code de procédure pénale.

Les droits de la défense sont également garantis par de nombreux textes : la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (articles 7, 8, 10, 11) ; la Convention Européenne des Droits de l'Homme (article 6 § 1 et 3) ; le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (article 14) ; la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (article 16) ; la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne (article 48).

Ces deux principes sont donc déjà garantis dans notre législation actuelle et ont valeur suprême puisque leurs fondements textuels figurent au sommet de la hiérarchie des normes.

Cependant, il est regrettable que le programme de Monsieur Poutou ne donne pas davantage de détails puisque certaines améliorations peuvent être apportées, afin de renforcer leur protection et leur effectivité. Par exemple, concernant les droits de la défense, il aurait été bienvenu de proposer de garantir l’accès total au dossier par l’avocat dès la garde à vue.

  • Développement massif des peines alternatives à l’incarcération

Les mesures alternatives ont été introduites pour se substituer aux peines privatives de liberté. Cependant, malgré une législation et des orientations de politique pénale qui ont encouragé le recours aux peines alternatives, comme en témoigne notamment la réforme pénale du 15 août 2014, l’emprisonnement reste toujours la référence en terme de sanction. Leur développement aurait dû, en effet, se traduire par une stagnation, une diminution du nombre d’incarcérations. Or, il n’en n’est rien. Depuis 20 ans, la population carcérale a globalement augmenté, alors qu’en parallèle les peines alternatives à l’incarcération se développaient quantitativement.

La législation française prévoit en effet déjà de nombreuses peines alternatives : contrôle judiciaire ; assignation à résidence sous surveillance électronique ; l’amende et le jour amende ; sursis simple ou avec mise à l’épreuve ; le semi-liberté ; le suivi-socio judiciaire ; le travail d’intérêt général ; les stages de citoyenneté ; la contrainte pénale …

Cette proposition illustre la volonté abolitionniste de Philippe Poutou. Cependant, à la lecture de cette liste non exhaustive, le développement des peines alternatives apparait donc inopportun. Le problème n’étant pas, en effet, le développement de ces mesures, mais le prononcé de celle-ci. A titre d’illustration, depuis sa création en 2014, la contrainte pénale est peu prononcée par les magistrats. Ainsi, les chiffres révèlent que deux ans après son entrée en vigueur, seules 2287 contraintes pénales ont été prononcées par les juridictions, alors que l'objectif prévu par la loi du 15 août 2014 était... de 8.000 à 20.000 par an.

  • Mise en place de l’indépendance du parquet

Le parquet est placé sous l’autorité du Garde des sceaux. Si le Conseil constitutionnel continue de considérer que cette particularité hiérarchique ne permet pas de contester la législation en vigueur, la Cour européenne des droits de l’Homme est plus nuancée. Par deux décisions notables (Medvedyev c/ France et Moulin c/ France) la Cour de Strasbourg a condamné la France estimant que l’autorité judiciaire visée à l’article 5 de la Convention devait, pour autoriser la privation de liberté au-delà d’un certain délai, être un juge stricto sensu et non pas un membre, fut-il magistrat, d’une autorité chargée des poursuites.

Depuis quelques années, le statut des magistrats du parquet est alors l’objet d’interrogations et irrigue bien des débats, dans lesquels de plus en plus de voix s’élèvent en faveur de l’indépendance du Parquet. Graver dans le marbre cette indépendance serait en effet souhaitable. Montesquieu affirmait d’ailleurs déjà dans l’Esprit des lois, qu’ « il n’y a point de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice ».

  • Renforcement des pôles financiers pour s’attaquer réellement à la délinquance

Cette mesure, témoin de la haine de Philippe Poutou envers la finance, ne permettra pas de s’attaquer « réellement » à la délinquance puisqu’elle ne permettra pas de « s’attaquer » à la délinquance dans sa globalité.

  • Mise en place de l’éducation et de la prévention au centre de la justice des mineurs

« Ouvrez des écoles vous fermerez des prisons » écrivait Victor Hugo. Philippe Poutou choisit quant à lui de faire renter l’école dans les prisons. Qui sait ? Cela permettra peut-être d’en fermer à l’avenir (des prisons) !

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