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Châtiments corporels et peines réfléchissantes

Robin Binsard est élève avocat au barreau de Paris. Il propose ici une retrospective sur les châtiments corporels et peines réfléchissantes.

 

Amputer le poing du voleur, mutiler le corps du parricide, émasculer le pédophile, percer la langue du blasphémateur… Panorama sur les peines réfléchissantes.

Moduler le châtiment au plus près de la gravité du crime, frapper son auteur sur l’outil de son acte, tel est l’objet de la peine dite « réfléchissante ». Conçue afin de rétablir l’équilibre rompu tout en prévenant le risque d’une récidive, cette peine est très présente dans l’Ancien régime et jusqu'à la Renaissance. Le châtiment corporel "réfléchissant" est la traduction de deux fonctions de la peine : Elle doit être douloureuse, prompte, expiatoire mais également exemplaire. C’est donc sans surprise que les châtiments les plus cruels sont effectués sur la place publique. La coutume de Bretagne prévoyait par exemple que « Les sentences de punition de corps doivent être promptement exécutées en un lieu exemplaire, en terreur du peuple ».


Le Gibet de Montfaucon, grand carrefour proche de Paris, servait de théâtre aux peines les plus sanglantes, et il n’était pas rare d’y apercevoir des cadavres suspendus par dizaines. Aux alentours, le crieur public sermonnait « Qui se rendra coupable d’un même acte sera puni de la même façon ! ». Il n’était donc pas rare d’y croiser des corps décapités, rompus, écartelés, bouillis… On y accrochait également par un pied les suicidés et dans un sac les restes des écartelés ; «ce qui importunait les habitants, les passants et les bourgeois » selon Muyart de Vouglans.


Au XIII siècle, on ne coupait plus la main du voleur, mais seulement celle du régicide. L’ablation du sexe des pédophiles disparaîtra au XV siècle, tandis que la mutilation des blasphémateurs sera perpétuée jusqu'à l’époque moderne. Pourtant, c’est en 1757 que sera exécutée la plus emblématique de ces peines : « le supplice de Damiens » ou triomphe suprême de la barbarie humaine.


Jean François Damiens, valet du roi Louis XV, entre dans l’Histoire en plantant un petit canif dans le dos du Monarque. A grande vitesse, la nouvelle se répand. Les populations terrifiées et larmoyantes se rassemblent dans les églises. A Paris, alertés par leurs laquais, les parlementaires se rassemblent au palais. Le roi est indemne, mais la tentative terrifie. Au terme d’un simulacre de procès, Damien est condamné pour régicide à « faire amende honorable devant la principale porte de l’église de Paris », où « sa main droite tenant en icelle le couteau dont il a commis le crime sera brûlée au feu du soufre » tandis que « les endroits où il sera tenaillé seront mutilés au plomb fondu, à l’huile bouillante, à la résine brûlante, à la cire et au soufre fondus ». Il sera ensuite « tiré et démembré à quatre chevaux ». Enfin, « ses membres seront consumés au feu, réduits en cendres qui seront jetées au vent ». Une journée rude, pour laquelle seize bourreaux furent mobilisés, dont le jeune Charles-Henri Sanson qui dira par la suite être hanté par le traumatisme des souvenirs sanglants du supplice de Damiens.

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